La voix de Hind Rajab
2025

La voix de Hind Rajab

Synopsis : Le 29 janvier 2024, des volontaires du Croissant-Rouge reçoivent un appel d’urgence. Une fillette de six ans est piégée dans une voiture sous les tirs à Gaza, implorant qu’on vienne la sauver. Tandis qu’ils tentent de la maintenir en ligne, les secouristes font tout pour lui envoyer une ambulance. Son nom était Hind Rajab.

Représenter l’indicible : De la voix à la mémoire !

La voix de Hind Rajab 2025

Certaines réalités sont si inhumaines qu’elles défient toute représentation. C’est le cas du témoignage de Hind Rajab, dont la voix traverse l’écran pour nous confronter à l’indicible.

Réalisé par Kaouther Ben Hania, La Voix de Hind Rajab s’inscrit dans une démarche de docu-fiction immersive, où la mémoire traumatique devient le fil conducteur. Le film privilégie l’émotion brute et le récit direct. On est loin d’être un spectateur passif, on vit avec Hind chaque silence, chaque souffle.

Trois films abordent aujourd’hui ce drame : La Voix de Hind Rajab, ainsi que les courts-métrages Close Your Eyes, Hind du Syrien Amir Zaza et Hind Under Siege du Palestinien Naji Salameh, soulignant l’importance de faire entendre cette voix et de rendre tangible un traumatisme qui ne peut rester invisible. Récompensé par le Grand Prix du Jury à la Mostra de Venise, le film de Kaouther Ben Hania confirme la puissance de ce cri et la nécessité de le transmettre.

Le film s’ouvre sur des volontaires du Croissant-Rouge recevant un appel d’urgence. Une fillette de six ans, Hind Rajab, est coincée dans une voiture sous les tirs à Tal Al Hawa, à Gaza, suppliant d’être secourue. Tandis qu’ils tentent de la maintenir en ligne, tout est fait pour lui envoyer une ambulance. Cette scène tragique devient le point de départ de l’immersion dans son histoire et dans celle des victimes de ce conflit.

Écrire sur La Voix de Hind Rajab revient à examiner sa construction cinématographique et sa représentation de l’horreur humaine. La mise en scène de Kaouther Ben Hania, retrouve une signature déjà affirmée depuis Challat Tunis (2014), Zeineb  n’aime pas la neige (2016), La Belle et la Meute (2017) ou encore Les Filles d’Olfa (2023). Elle explore sans cesse les frontières entre réalité et reconstitution, et trouve ici une intensité nouvelle grâce au travail du directeur de la photographie Juan Sarmiento Grisales. Le colombien qui a marqué la saison cette année dans les plus grands festivals en signant trois films : La voix de Hind Rajab à Venise avec Ben Hania, Un poète de Simón MESA SOTO récompensé par le Prix du Jury dans la section Un Certain Regard à Cannes et Islands de Jan Ole Gerster présenté en première mondiale à la Berlinale. Ce parcours illustre son expertise dans la représentation du réel, sensible et exigeante.

La voix de Hind Rajab 2025


La caméra se fait complice et oppressante à la fois : cadrages serrés, plans fixes qui enferment, tremblés qui traduisent la fragilité et l’instabilité. La lumière, elle, oscille entre zones d’ombre et clarté crue, révélant tour à tour l’intimité et la brutalité. Mais c’est surtout le travail sonore qui imprègne le film : la voix de Hind, crue et centrale, devient presque un personnage, tandis que les silences pèsent autant que ses mots. Les sons d’ambiance : respirations, sirènes, coups… plongent dans une terreur concrète, et la rareté de la musique renforce l’impact nu de la parole. Le montage, alternant entre voix et scènes rejouées, dicte un rythme d’attente et de tension qui ne laisse aucune échappatoire. Tout dans la construction filmique crée une expérience immersive : on est désormais témoin forcé d’une mémoire insoutenable.

Pourtant, malgré la maîtrise de la mise en scène, le film reste relativement classique dans le genre des récits de détresse. De nombreux films récents suivent un schéma similaire : The Call (2013) de Brad Anderson, The Guilty (2018) de Gustav Möller. Dans ce contexte, la réalisation de Ben Hania ne dévie pas beaucoup des conventions du genre : Elle privilégie la sobriété et l’intensité dramatique, misant sur l’impact émotionnel plutôt que sur l’innovation stylistique.

L’histoire de Hind Rajab dépasse son destin individuel pour s’inscrire dans le contexte plus large du conflit palestinien. Ce qu’elle a vécu n’est pas un fait isolé : il résonne avec les violences quotidiennes, les pertes et les traumatismes que subissent de nombreuses familles palestiniennes, dont les voix sont souvent étouffées par l’indifférence internationale ou les médiatisations partielles. Le film transforme ce témoignage personnel en témoignage politique : chaque spectateur est confronté à une réalité qui dépasse l’individu, qui reflète la souffrance collective d’un peuple et la mémoire d’une injustice persistante. Voir la souffrance des autres, écouter leur voix, cela dérange, interroge, et parfois met mal à l’aise. Le film choisit de nous toucher, uniquement. Il questionne notre manière de voir et de ressentir la souffrance d’autrui. Jusqu’où peut-on observer la douleur des autres sans franchir une limite éthique ?

Si la partie documentaire du film, avec les enregistrements réels, donne une impression de véracité et d’urgence, la partie fictionnelle déroute parfois. Ce contraste, loin d’être un simple choix esthétique, pose une question plus profonde : comment représenter la réalité de l’urgence et du secours sans trahir la complexité du métier ? Il y a une dynamique assez crédible sur le papier dans l’equipe du croissant rouge mais la fiction apparaît, elle se sent un peu forcée. Cette légère artificialité ne diminue pas la puissance du témoignage de Hind Rajab, elle fait réfléchir sur la manière dont le cinéma traduit la souffrance et l’urgence, entre perception et construction narrative.

La Voix de Hind Rajab nous laisse avec un mélange d’émotion et de réflexion. On sort du film bouleversé, avec le sentiment d’avoir vécu un fragment de l’inconcevable. Mais au‑delà de la voix de Hind, la question reste ouverte : comment le cinéma peut-il continuer à témoigner des violences extrêmes sans franchir la ligne entre narration et exploitation ? Le film nous confronte à la réalité, nous oblige à écouter, à ressentir, et à réfléchir par nous-mêmes.

Fadoua Medallel | Septembre 2025

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