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Les enfants rouges : Un récit de douleur et de résilience !
Dès son ouverture, Les Enfants Rouges de Lotfi Achour plonge le spectateur dans une atmosphère dense et oppressante. La violence, rarement visible à l’écran, se fait ressentir à chaque plan. À travers le parcours d’Achraf (incarné par l’acteur Ali Helali), jeune adolescent confronté à une tragédie dans son village, le réalisateur tunisien signe un film qui allie la dureté du réel à la poésie de l’intime. Le film devient un terrain d’exploration du trauma. Dans une mise en scène qui magnifie les luttes intérieures autant qu’extérieures de ses personnages.
L’histoire débute sur un acte de sauvagerie tragique : la mort de Nizar (joué par Yassine Samouni), tué dans une attaque terroriste, et la survie d’Achraf, qui porte seul le fardeau d’un message chargé de terreur. Ce point de départ cru entraîne le public dans un monde dévasté, où le trouble s’infiltre dans les vies des personnages et dans les structures même de la société. Le film, inspiré d’un événement douloureux survenu en Tunisie en 2015, évoque la brutalité de l'extrémisme et les réalités sociales de notre pays.
Le réalisateur aborde cette épreuve en mêlant, dans sa mise en scène, la crudité du réel à des visions plus oniriques presque mystiques, où le tangible se trouble par instants. Ce traitement visuel doit beaucoup au regard du directeur de la photographie polonais Wojciech Staroń.
Cette quête incessante de poésie visuelle, qui traverse le film, peut par moments devenir un obstacle. La beauté des paysages, les images métaphoriques, bien que d’une certaine puissance esthétique, occupent parfois un espace disproportionné et semblent détourner l’attention du cœur du récit. Le film se perd parfois dans une abstraction qui dilue l’impact émotionnel, rendant certaines scènes presque trop distantes, malgré la douleur qui les sous-tend.
Dans Les Enfants Rouges, le non-dit devient moteur de tension, chaque silence pèse plus que les mots. Face à la fragilité des institutions (police démunie, médias peu réactifs) le drame s’insinue comme une force invisible dans le quotidien d’Achraf et des siens.
Le film explore avec justesse la manière dont une communauté meurtrie tente de recoller les morceaux. Comment elle devient un lieu de solidarité malgré la douleur contenue. On observe des proches formant un rempart affectif, essentiel à la reconstruction du jeune garçon. Le récit est traversé par une tension émotionnelle, au sein de laquelle surgit une lueur : la relation pudique et tendre entre Achraf et une amie de son âge (Wided Dabbebi). Ce personnage introduit une respiration douce. Ainsi l’ancrage familial et l’amitié sincère peuvent devenir refuge face au chaos.
Les Enfants Rouges est un film où l’intimité et l’universel se rencontrent, un cinéma de l’âme, douloureux mais éclairé par la lumière de la résilience. Dans un monde où la guerre et l’extrémisme brisent les vies, Achour y déploie une réflexion saisissante sur la capacité de l’homme, et plus particulièrement de l’enfant, à transcender l’horreur et à refaire surface au-delà des décombres.
Fadoua Medallel | Avril 2025