Anora
2024

Anora

Synopsis : Une danseuse érotique de Brooklyn. Un fils d’oligarque russe. Une nuit qui dérape… Sous ses airs de comédie débridée, Anora filme le chaos, celui des corps, des désirs, des rapports de pouvoir. Avec tendresse, humour et une justesse rare, le film explore ce qui nous lie malgré tout : l’argent, la liberté, les illusions d’amour.

Anora : l’Amérique des marges, entre brutalité et tendresse !

© Anora (2024)

Avec Anora (2024), Sean Baker explore les recoins invisibles de l’Amérique contemporaine : celle qui vit à la périphérie des récits hollywoodiens dominants, celle des précaires, des invisibles, des laissés-pour-compte. On suit une jeune escorte de Brooklyn projetée dans une aventure inattendue lorsqu’elle épouse le fils d’un oligarque russe.

Le film frappe par son énergie brute : on est embarqué dans un tourbillon où deux réalités parallèles flirtent sans cesse, où les personnages tentent de maîtriser tant bien que mal des trajectoires chaotiques. Mais derrière cette surface tapageuse, se dessine une réflexion plus sombre sur le rêve américain, sur ce qu’il promet et sur ce qu’il détruit.

© Anora (2024)

Ici, pas de narration spectaculaire, mais une sensation continue d’urgence : chaque scène palpite d’une énergie fébrile, où chacun se débat, happé par un monde qui le dépasse. Plus qu’un récit d’ascension sociale ratée, Anora parle de survie : émotionnelle, économique, physique dans une société où tout, des relations à l’amour, semble monnayable.

Un autre aspect marquant : c’est l’attention quasi documentaire que Baker porte à ses décors : les rues de Brooklyn, les bars, les arrière-salles, les appartements miteux. Rien n’est stylisé ni magnifié : tout est montré dans sa crudité, son désordre, sa trivialité. On pense parfois au cinéma des frères Safdie (Good Time, Uncut Gems) ou à celui de John Cassavetes, où le chaos vivant prime sur la construction lisse.

© Anora (2024)

Du côté des acteurs, Mikey Madison (ou l’actrice principale choisie par Baker) livre une performance remarquable, tout en nuances : insolente, tendre, fragile, elle oscille entre éclats et silences sans jamais tomber dans le pathos. Mark Eydelshteyn, qui incarne le jeune mari russe, impressionne lui aussi : il joue sur des registres complexes, entre arrogance et désarroi, puissance sociale et désarmement intime, apportant une vraie densité au film. Leur duo, à la fois explosif et maladroit, constitue l’un des moteurs émotionnels du récit.

© Anora (2024)

Les personnages secondaires apportent une richesse supplémentaire : les parents russes, interprétés par Yuriy Borisov et Olga Korotko, ne sont pas de simples figures d’autorité menaçantes ; ils oscillent entre froideur implacable et éclairs d’humanité inattendus, donnant au récit une tension constante. Les amis d’Anora incarnent le Brooklyn des petits boulots et de la débrouille, avec leurs propres tragédies et leur solidarité fragile.

Enfin, les trois hommes qui croisent la trajectoire d’Anora, l’Arménien et ses deux complices, apportent une couche supplémentaire de tension. Ces personnages, à la fois menaçants et grotesques, incarnent une violence diffuse, presque banale, qui traverse tout le film. Ils ne sont pas seulement des figures négatives : Baker parvient à leur donner des moments d’ambiguïté, des gestes, des répliques, qui les éloignent des simples archétypes mafieux. Leur présence renforce l’impression d’un monde interlope où chacun tente de s’en sortir, parfois aux dépens des autres, parfois en révélant ses propres failles.

© Anora (2024)

Loin du cynisme, Baker aborde son héroïne avec une tendresse sans sentimentalité. Anora n’est ni une victime sacrificielle ni une caricature : c’est une jeune femme pleine de contradictions, consciente de ses illusions mais incapable d’y renoncer totalement. Le film refuse de tracer des lignes claires entre ‘bons’ et ´méchants’ : il montre simplement des êtres coincés dans un système brutal où l’argent dicte tout et où les rêves d’émancipation se heurtent à une réalité implacable.

Mais c’est aussi là que réside la limite du film. Baker a ce talent rare pour capter l’énergie brute du réel, pour composer des portraits sociaux vibrants. Pourtant, il s’arrête souvent à cette surface : Anora reste avant tout une figure  une survivante, une battante prise dans les engrenages, mais son intériorité, ses blessures profondes, ses contradictions les plus secrètes restent esquissées, jamais pleinement explorées.

© Anora (2024)

À force de privilégier le rythme, l’urgence, le cinéma de Baker sacrifie parfois l’épaisseur psychologique. L’intimité est suggérée par des gestes, des éclats, des regards, mais elle ne s’installe jamais, ne se creuse pas dans la durée. On a souvent le sentiment d’un film toujours à vif, toujours sur le fil, sans temps pour respirer.

En définitive, Anora reste plus un film sociologique qu’introspectif, plus attaché à peindre une atmosphère qu’à fouiller les âmes. Cela ne veut pas dire qu’il est creux  au contraire, il possède une vraie force d’observation ; mais il laisse le spectateur à une certaine distance émotionnelle, là où il aurait pu nous emmener plus profondément au cœur de ses personnages.

Fadoua Medallel

02-05-2025

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