Donga
2023

Donga

Synopsis : Pendant près d’une décennie (2011-2021), Donga a capturé avec sa caméra des événements qui ont marqué sa vie, notamment le soulèvement libyen et la guerre contre Daech. De la vie quotidienne aux conflits armés, sa position d’initié et ses images personnelles deviennent un héritage collectif pour les personnes ayant vécu les conséquences d’une révolution.

Donga ou l’illusion de la neutralité : quand l’archive ne suffit pas !

Film Donga de Muhannad Lamin 2023

Dans Donga, Muhannad Lamin s’appuie sur une matière brute rare : dix années d’images filmées par un jeune Libyen surnommé Donga. Caméra en main dès 2011, celui-ci capture la chute de Kadhafi, l’irruption de Daech, puis la guerre contre Haftar. Chaque plan porte la mémoire d’une génération. Pourtant, ce trésor intime et historique, au lieu de devenir un geste cinématographique fort, se dilue dans une neutralité revendiquée qui prive le film de profondeur.

Lamin ne filme presque pas. Il monte. Il se place en retrait, affirmant que les images parlent d’elles-mêmes. Mais le documentaire, surtout en temps de guerre, n’est jamais neutre. Monter, c’est déjà choisir un rythme et porter une voix. Refuser d’assumer cette subjectivité laisse le spectateur suspendu entre fascination et froideur, devant une compilation qui manque d’incarnation.

Certes, les images frappent : voir un adolescent devenir adulte à travers dix ans de guerre est bouleversant. Mais le film reste à distance. Lamin ne dialogue pas avec Donga, n’interroge pas assez ses images. Il n’expose pas sa propre position. Résultat : l’expérience demeure brute mais creuse. Le cinéma-vérité, par exemple, n’a jamais été un miroir plat : il est rencontre entre le filmeur et le filmé. Ici, cette rencontre n’a pas lieu.

La construction en flashbacks et en allers-retours entre 2011 et 2021 aurait pu dynamiser le récit. Mais cette structure cyclique finit par accentuer l’impression de confusion plus qu’elle ne guide la lecture. La tension et la fragilité de Donga apparaissent par instants, mais faute de regard critique, elles ne se transforment jamais en réflexion sur le traumatisme ou la mémoire collective.

La comparaison avec A Fidai film de Kamal Al Jafari est éclairante. Jafari, lui aussi, ne filme pas : il travaille sur archives. Mais son montage devient un acte de création et de réflexion. Chaque plan est un choix, chaque durée est une prise de position. Lamin se réfugie dans la neutralité, Jafari affirme un regard subjectif, transformant l’archive en récit incarné.

Avec Donga, Muhannad Lamin nous rappelle qu’avoir accès à une matière exceptionnelle ne suffit pas à faire un grand film. Sans engagement du regard, sans subjectivité assumée, le documentaire se réduit à une compilation d’archives. Le spectateur voit, mais ne vit pas. L’histoire est là, mais l’incarnation manque. Un film impressionnant par ses images, mais qui reste émotionnellement distant et conceptuellement inabouti.

Fadoua Medallel | Septembre 2025

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