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Soudan, souviens-toi : écrire la liberté contre l’oubli !
La révolte soudanaise résonne comme un poème murmuré à l’ombre des canons : “Une pluie de balles s’abat sur les têtes, d’une autorité brisée, elle ne plie pas la détermination du peuple, même si le deuil est imposé.“, écrivait Azhari Mohamed Ali.
زخة رصاص في الرأس من سلطة معطوبة ما بتثني عزم الناس لو عزا مطلوبا،“أزهري محمد علي
Et c’est dans ce cri que se déploie Soudan, Souviens-toi de Hind Meddeb. Dans l’air vibrant de Khartoum, la mémoire s’élève à travers le chant des rues et les mots arrachés à la peur. Ces voix se voilent d’espérance, filant comme une dentelle d’ombres et de lumières. La capitale devient poésie, la révolution un vers inachevé que le documentaire tente de fixer pour échapper à l’oubli.
Le film retrace, à travers les visages et les voix de jeunes Soudanais, le soulèvement populaire de 2019. Pendant des mois, des foules immenses ont occupé les rues, réclamant liberté et démocratie après trente ans de dictature. Mais l’élan a été violemment brisé par l’armée et les milices, dans un bain de sang vite effacé par les médias internationaux. Depuis, deux années de guerre ont fait plus de 150 000 morts et provoqué le déplacement de 13 millions de personnes.
Comment préserver la mémoire d’une révolution quand le pouvoir cherche à tout effacer ? Cette question, urgente et brûlante, traverse le documentaire présenté en 2024 à la Mostra de Venise, dans le cadre des Giornate degli Autori.
Le film alterne entre scènes de rassemblement et témoignages plus intimes : les jeunes y racontent leurs douleurs et leur volonté de continuer malgré tout. Ce va-et-vient entre collectif et individuel compose une fresque sensible où la grande Histoire s’inscrit dans les destins personnels.
Difficile de sortir indemne de Soudan, Souviens-toi. On est bouleversé par la sincérité des protagonistes, leur courage face à l’oppression, mais aussi par la brutalité des images de violence. Le spectateur ressent tour à tour colère, admiration et tristesse.
La grande réussite de Hind Meddeb est d’avoir su transformer un événement relégué aux marges de l’actualité en objet de mémoire incontournable. Son film redonne une visibilité à une jeunesse soudanaise trop souvent absente des récits médiatiques. C’est un cinéma de la dignité, qui refuse le silence imposé par les vainqueurs.
Le film adopte un point de vue engagé, mais il ne se présente pas comme un manifeste : il fonctionne avant tout comme un reportage, un enregistrement des faits. Hind Meddeb filme surtout les témoins face caméra, avec un œil attentif et simple, laissant les situations parler d’elles-mêmes. On sent une implication sincère de la réalisatrice, née de la nécessité et de la demande de ses amis soudanais rencontrés à Paris. Sa force réside dans cette sobriété documentaire : aucun artifice narratif, un montage clair, des images minimalistes qui accentuent l’authenticité et la véracité du témoignage.
Soudan, Souviens-toi rappelle avec force que le cinéma peut dépasser l’art de la mémoire pour devenir une arme politique. Dans les visages de ces jeunes, s’inscrit l’espérance d’une liberté encore à conquérir.
Fadoua Medallel | Septembre 2025