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Ordre ou Désordre : La quête de l’impossible équilibre, entre structure et chaos !
En 1981, Abbas Kiarostami réalise ce court-métrage documentaire minimaliste qui explore la relation complexe entre organisation et chaos. À travers une série de saynètes, il nous présente des situations simples où l’ordre est d'abord instauré, puis progressivement déstabilisé, laissant place au désordre. Ce contraste subtil, particulièrement renforcé par la voix off qui exprime le désarroi de l’équipe de tournage à la fin, souligne la fragilité des systèmes que l’on cherche à imposer et la résistance de l’imprévisible. Cette tension entre organisation et chaos rappelle les films de Jacques Tati, notamment Playtime (1967), où la quête de l'ordre dans une société de plus en plus mécanisée mène inexorablement à l’absurde et au chaos.
D’une grande sobriété, le film capte des actions apparemment ordonnées, mais à mesure que les scènes se succèdent, l’ordre s’effrite et le chaos prend place, exposant les limites du contrôle humain. Ce qui semblait initialement structuré se désintègre lentement, mettant en lumière les failles d’un système trop rigide et la difficulté de maintenir un ordre dans un monde par nature chaotique. La question de l’ordre et du désordre dans le film évoque également la réflexion de Michael Haneke dans Le Temps du Loup (2003), où l’effondrement des structures sociales laisse place à un monde où la réorganisation de l’individu dans un contexte de crise devient une question existentielle.
Cette dynamique entre l’ordre et le désordre fait écho à la pensée de Nietzsche dans Ainsi parlait Zarathoustra, où il affirme que l’ordre imposé par la société empêche l’individu de s’épanouir pleinement et que la véritable liberté se trouve dans la capacité à accepter et naviguer dans le chaos. Pour Nietzsche, l’acceptation du désordre, loin d’être une faiblesse, devient une forme de puissance créatrice, permettant à l’individu de se libérer des contraintes sociales et de trouver son authenticité.
Ce film ne nous offre pas de réponses simples, mais nous invite à accepter la coexistence de ces deux forces opposées, à comprendre que l’ordre n’est pas une fin en soi, mais un chemin qui s’entrelace avec le désordre. Chaque scène nous pousse à réfléchir à cette fragilité de l’ordre, et à voir le désordre non pas comme une faille mais comme une part essentielle de ce qui constitue la vérité de la vie.
Kiarostami, avec une grande simplicité, parvient ainsi à capturer ce moment fragile où l’on se rend compte que l’ordre est toujours provisoire, et que le véritable défi de l’existence réside dans l’acceptation de la complexité du monde, dans toute sa beauté chaotique. Ordre ou Désordre n’est pas seulement une observation de l’organisation sociale, c’est une invitation à accepter l’imprévu, à trouver un équilibre dans ce qui échappe à toute logique. Et comme Sartre le souligne dans L'Être et le Néant, ce qui fait l’essence de la liberté humaine, c’est notre capacité à accepter cette désorganisation interne et à vivre avec elle, sans chercher à imposer une structure rigide sur notre existence.